FretLink redessine les contours du Wild West des transports routiers
La vraie force de Fretlink c’est d’avoir réussi à mettre autour de la table 2 mondes qui ne s’étaient jamais réellement parlés, des experts du transports et cette population plutôt startup, pour inventer le futur du transport ».
Inventer le futur du transport… Rien ne prédestinait Paul à ça. C’est en dernière année de MBA qu’il monte sa première startup, une agence digitale qui développe des applications mobiles. « Sur un appel d’offre, j’ai rencontré complètement par hasard un transporteur routier de marchandises qui m’a demandé de lui développer un Transport Management System, un logiciel de gestion de flotte pour les transporteurs ».
Pour l‘aider, Paul peut compter sur les compétences d’Antoine, son cousin germain qui travaillait à l’ONU au Chili et qui revient en France. Économiste et data scientist, Antoine a une bonne vision des algorithmes pour faire de la conception produit.
De vastes territoires et de fabuleuses opportunités
Avec leur œil neuf, ils comprennent vite les règles du marché et découvrent un secteur archaïque et plein d’opacité. Avec notamment des transporteurs qui tiennent le marché et sont les seuls à avoir accès aux appels d’offre des gros chargeurs industriels. Ces transporteurs récupèrent le business et sous-traitent le travail à faire, créant une chaîne d’intermédiaires entre le chargeur et le destinataire. C’est cette chaîne qui génère de l’opacité, à la fois sur le prix géré seul par les gros transporteurs, sur leur garantie en cas de litiges, et sur le suivi des marchandises.
Ils font également un autre constat : « Aujourd’hui les industriels utilisent moins de 10% de l’offre disponible en Europe parce que 90% des sociétés de transport sont de petites sociétés régionales, souvent familiales, où le père a acheté quelques camions et où le fils passe sa journée au téléphone sur les bourses de fret pour trouver du fret supplémentaire ». Ces sociétés n’ont pas de cellule commerciale ou marketing leur permettant de répondre aux appels d’offres de ces gros chargeurs, « … et surtout répondre à leurs exigences concernant la géolocalisation, des moyens innovants pour faire de la passation d’ordre de transport ou avoir des statistiques sur leur activité logistique ».
C’est dans ce Wild West routier que Paul et Antoine voient l’énorme opportunité de marché pour aider les expéditeurs et les transporteurs à mieux communiquer et collaborer ensemble. « On a décidé de devenir ce tiers de confiance qui va rapprocher les expéditeurs de ces TPE, artisans du transport, autour d’une solution d’optimisation et de pilotage des transports routiers ».
« It’s dangerous to go alone »
Paul et Antoine se lancent ensemble fin 2015 et cherchent une équipe solide pour démarrer le projet. Il leur manquait notamment 2 profils : un CTO et un expert dans le milieu des transports. « Il nous fallait l’appui et le réseau de quelqu’un qui connaissait très bien ce milieu ». Grâce à un ancien élève de l’école d’ingénieur de Paul, ils sont mis en contact avec Didier Duval, grand ponte du monde des transports routiers en France. Après une heure dans un café, Didier leur promet 100 000 €. « Il a totalement adhéré à la vision qu’on avait et voulait nous aider à développer la startup ». Mais Paul et Antoine venaient surtout chercher son expertise. Une semaine plus tard, Didier rejoignait le projet en tant qu’Advisor, à raison d’1 jour par semaine. Puis 2 puis 3… avant de sceller définitivement leur union sacrée.
2016, c’est le baptême du feu. Le 1er janvier 2016, l’équipe commence à développer les premières interfaces d’un logiciel pour les chargeurs, pour les transporteurs et d’une App pour les chauffeurs. C’est à ce moment que le 4ème et dernier membre de la Dream Team fondatrice les rejoint : Frédéric Menou, l’ancien CTO de Captain Train, qui les met rapidement face à un problème de taille : « On n’a pas le dixième des outils dont on a besoin ». Mais, on le sait, l’enthousiasme et la foi en son produit soulève des 33 tonnes. « On bricole des fichiers Excel et des bouts de papier, et on finit par trouver quelque chose qui fonctionne… On a passé beaucoup de temps à développer l’architecture, à la tester, on ne pouvait pas se permettre de se planter… ». Puis il y aura une première levée de fonds de 500 K€ qui permet de recruter des opérationnels expérimentés et des commerciaux. Et à la fin de l’année, c’est le grand saut avec le lancement de la version beta de Fretlink avec Chanel, Tubesca ou Very Pratique qui la testent, avec quelques camions par jour au départ.
Tous les feux sont au vert
« Après avoir testé différents volumes et différents entrepôts dans différentes situations, on a eu de super retours ! On a eu la chance de voir que, dès le début, nos hypothèses étaient confirmées… ». Malgré une réticence technologique de certains acteurs des transports routiers, Fretlink profite de l’énorme traction de grands groupes comme Carrefour, St Gobain, Procter & Gamble… En 2017, ce sont 300 industriels européens adoptent la solution Fretlink et le CA mensuel passe de 7K€ à 1M€. « L’enjeu maintenant c’est de déployer la solution, de monter en charge sur les grands comptes et d’être capables de faire à grande échelle ce que l’on fait aujourd’hui, et comment passer de 2 à 3 camions par jour à des milliers, à la fois en France et partout en Europe chez ces clients ».