Agricool : comment deux fils d’agriculteurs lancent leur startup pour inventer l’agriculture urbaine de demain
Les débuts et le lancement
Guillaume Fourdinier: Durant les vingt dernières années, les villes ont énormément grossi. On est passé de 40 % à 80% de citadins en France aujourd’hui. Des villes, comme Paris, sont devenues tellement grandes que la logistique pour apporter les produits est devenue le principal problème. Sur la chaîne de production alimentaire, l’agriculteur qui produit des fraises par exemple, a quelque part le travail le plus simple. Je ne dis pas que c’est un travail simple et facile mais tout le monde le fait depuis longtemps et on sait comment on doit produire des fraises. En revanche, ce qui complique tout aujourd’hui, c’est d’apporter le produit de Bretagne par exemple jusqu’à un entrepôt, puis le camion, puis Rungis, puis l’épicier, … C’est à ce moment là qu’il faut faire des compromis et donc faire le choix de variétés plus solides et c’est le goût qui en prend un coup. C’est donc bien le transport qui est responsable. La solution pour nous c’est de produire à l’intérieur de la ville.
Gonzague Gru : Nous sommes tous les deux fils d’agriculteurs. On a vraiment envie de faire quelque chose de nouveau et de trouver des solutions aux problèmes que l’on a aujourd’hui, à savoir le fait qu’on ne trouve pas de produits qui sont bons, sains et abordables en ville. Avec Guillaume, on s’est donc demandé comment on pouvait faire autrement. Rapidement, l’agriculture urbaine s’est imposée à nous. Produire là où nous consommons. On savait néanmoins qu’il y avait des limites à ce type d’agriculture urbaine classique à savoir sur les rooftops et les friches. D’abord le côté non viable de cette agriculture. C’est rarement économiquement viable. Le deuxième point qui nous bloquait, c’est que ce n’est absolument pas suffisant. Par exemple, à Paris, si on cultive tous les toits, on ne peut nourrir que 10% de la population. On a pris le temps de mûrir toute cette réflexion et en avançant sur d’autres choses comme par exemple les murs végétaux, l’environnement contrôlé. C’est comme ça qu’est né Agricool.
Guillaume Fourdinier : Agricool, c’est le projet de deux fils d’agriculteurs pour réussir à produire des fruits et légumes directement en bas des immeubles, en bas d’où habitent les gens. Nous avons transformé un container et nous produisons à l’intérieur des fruits et légumes. Nous avons commencé par des fraises mais nous serons capables très rapidement de cultiver des salades, des tomates, … L’objectif c’est d’avoir des fruits et légumes qui sont plus sains donc pas de pesticides, qui soient abordables (3 € la barquette de fraises par exemple) et qui soient meilleurs tout simplement parce qu’ils sont cueillis à maturité. On va cueillir une fraise à 16h00 pour qu’elle soit mangée à 19h00 alors que nous sommes à Paris.
Les coulisses de la Startup
Guillaume Fourdinier : On a démarré en début d’année 2015. On a commencé par se poser les questions suivantes : qu’est ce qu’on fait ? On commence par quoi ? Qu’est ce qu’on regarde ? … On s’est donc beaucoup renseigné. On a brainstormé. On a quitté nos jobs respectifs le 30 avril donc il y a toute une période durant laquelle nous étions encore à cheval entre les deux.
Gonzague Gru : On a beaucoup suivi The Family bien avant de commencer Agricool. C’était un état d’esprit qui nous plaisait et qui nous paraissait beaucoup plus en phase avec des choses que l’on peut qualifier de disruptives. Donc quand on s’est lancé, on s’est aperçu que tout d’abord l’écosystème startup était beaucoup plus dans cet état d’esprit avec de bonnes façons de faire, des bons process comme le lean startup. Cet état d’esprit nous correspondait. C’était aussi un milieu beaucoup plus à même de comprendre et de nous aider dans les problématiques qu’étaient les nôtres.
On a tout d’abord commencé à travailler chez mes parents. Il y avait un container. On a commencé à faire des murs végétaux et on a géré le climat à savoir lumière, chaleur, nutriment, … La première étape importante pour nous, c’était de conforter que ça pouvait fonctionner. C’était le cas. Le container, c’était vraiment quelque chose qui nous plaisait car c’est un des seuls standards au monde de volume. C’est donc transportable et demultipliable partout et à l’infini. C’est mobile donc ça nous permet de lutter contre la limite des emplacements très limités en ville pour faire de l’agriculture urbaine. C’est aussi un environnement clos et ça c’est un point fort très important car le principal problème des villes c’est la pollution. Avec le container, on peut tout filtrer et gérer ainsi un environnement contrôlé.
Guillaume Fourdinier : Le 15 octobre, on avait 3 500 fraisiers qui poussaient à l’intérieur. On a posé le container à Bercy. Depuis, on a mis en place une phase de médiatisation assez intense et de financement pour être capable dès début 2016 de repartir en phase de prototype mais cette fois ci avec une team d’agronomes, d’ingénieurs, … dans l’objectif de pouvoir trouver ce container qui puisse être demultipliable, automatisé, simple d’utilisation et qu’on puisse démultiplier partout dans le monde. C’est la première fois que l’on fait de l’agriculture qui puisse être scalable. Notre ferme, si on en fait 1 000 elle coutera dix fois moins cher. On va donc chercher à démultiplier ça et à en mettre partout dans le monde, dans les grandes villes pour pouvoir être capable de produire directement les fruits et légumes pour l’ensemble des citadins.
L’anecdote
Gonzague Gru : Je suis issu d’un monde d’agriculteurs, mes amis, ma famille, … Ca a été assez intéressant de voir l’évolution du regard des gens. Je discutais par exemple il n’y a pas longtemps avec mon grand-père. Au début il ne comprenait pas du tout le projet. Il ne voyait vraiment pas l’intérêt si ce n’est de perdre de l’argent… Il a ensuite vu les choses grandir quand il passait chez mes parents. Il s’est finalement rendu compte que ça fonctionnait, il a vu les relais dans les médias et il a fini par me dire : « c’est quand même dommage qu’il n’y ait pas plus d’investisseurs pour ce type de projet !! ». Que mon grand-père de 80 ans y croit, pour moi ça a beaucoup de valeur.